mardi, juin 19, 2012

Cri de terrain

by Samuel Matteau on Wednesday, June 13, 2012 at 3:06pm ·
 
 L'auteur est un citoyen et cinéaste.
 
Depuis plusieurs mois nous parlons beaucoup du conflit étudiant, de la prise de conscience actuelle qui semble annoncer les débuts d’une nouvelle ère pour le Québec : d’un éveil. Ce qui se déroule sous nos yeux n’est pas seulement une transformation sociale, c’est aussi une révolution individuelle.

La force du mouvement naît du paradoxe suivant : c’est la génération d’enfants post-référendaire, nés dans la solitude de la société du divorce et du Spectacle, qui se retrouvent à devoir opérer un changement de fond et un rapprochement collectif. Nous découvrons notre état de présence, nous découvrons, ébahis, que l’émotion d’être ensemble nous pousse vers l’intime. Les événements que nous vivons sont certainement très révélateurs de notre identité en tant que peuple, mais le sont donc tout autant de notre identité individuelle. Ces transformations marqueront sans doute le reste de nos vies.

La jeunesse est-elle en train de vivre une sorte de rite de passage ?

Depuis le début du mouvement, je suis bouleversé. À vingt-cinq ans, je suis en train de faire mienne des expériences qui m’exigent de désapprendre des notions telles démocratie, politique, société, individu, pour les re-fonder à partir d’une impasse. Voilà le travail qui nous est imparti. Nous vivons les changements sociaux à 200 milles à l’heure, de plein front.

Nous avons vécu Victoriaville, nous avons vécu la «répression». Nous avons senti les pavés s’envoler ; la glace se casser. Nous avons vécu la rage et la haine, la violence des policiers, et la nôtre aussi. Nous avons été gazés, poivrés, matraqués, nous avons vu et senti des corps qui se battent, s’aident, se serrent les coudes. Nous avons vécu le chaos, la panique, la beauté du mouvement. Nous assumons la force de nos convictions.
Ce qui se passe dans nos rues rend visible un concentré de sentiments humains qui cherchent à s’exprimer, s’incarner dans une parole. Ces expériences qui prennent naissance en marge sont belles, dures et souvent intransigeantes. Nous sommes dans ce que j’appellerais une forme d’éducation populaire où nous goûtons enfin concrètement à une forme de communauté, à un sentiment d’appartenance. L’individualisme se fissure, notre zone de confort est investie par l’autre qu’on apprend à aimer.

Je me rends compte que nous avons le devoir d’avoir des objectifs communs et une destination semblable pour survivre à la violence de la vie qui frappe. La solidarité, plus que jamais nécessaire, ne sonne plus comme un mot creux. Arrêtés en masse lors d’une manifestation pacifique, pris en souricière dans les rues de Québec, nous avons su garder la tête haute, rester unis malgré l’intimidation des policiers et l’arrogance du gouvernement. Je suis reconnaissant envers cet homme, vivant au 3e étage d’un appartement sur la rue St-Jean et spectateur de cette situation malgré lui, d’avoir organisé un système de corde avec un bac pour nous donner de la nourriture et de l’eau à l’intérieur de ce périmètre.

Dans l’urgence nous nous organisons, nous développons des stratégies, nous créons nos propres médias citoyens. Nous vivons la politique en temps réel, nous débattons et discutons sur de nouvelles manières de gouverner, nous apprenons la responsabilité d’être éduqués, informés et lucides. Nous développons notre créativité. Nous sentons l’exaltation de l’énergie partagée qui pourrait être porteuse de changement.
Avoir fait l’expérience de la symbiose des 200 000 personnes réunies lors des manifestations des 22 mars, 22 avril et 22 mai a changé notre rapport au monde. Nous sommes continuellement au travail dans la panique comme dans le consentement à la beauté du mouvement. Suivre notre instinct nous à fait prendre conscience de nos déchirures intérieures entre désir de chaos, de violence et celui d’harmonie et de bon sens. Beauté d’un peuple en éveil, de l’humanité blessée qui n’abdiques pas.

Avec un peu de recul, ces événements nous permettent d’apprendre à connaître nos réelles motivations, à identifier nos valeurs fondamentales. Face à l’imprévu, le Je découvre sa force intérieure, son vrai visage en même temps que le soin à donner au bien commun. En fait, cette période de chamboulements oblige chacun à se positionner face au groupe, facilitant ainsi l’émergence de nouveaux acteurs et de nouveaux symboles.
De ces épreuves libératrices émaneront très certainement des éléments insoupçonnés, enfouis très loin dans l’inconscient collectif et jusqu’ici soigneusement oubliés. Le désir d’un pays ? Le désir d’une culture québécoise francophone forte ? Le désir d’un changement de paradigme ? Chose certaine, sur le plan individuel, le mouvement social actuel a déjà laissé sa trace dans la conscience des jeunes qui assureront la suite des choses. Serons-nous cette génération de citoyens militants, conscients et politisés qui découvre la force de sa parole ? J’ai confiance qu’avec les récents bouleversements, le meilleur est à venir. Le Québec ne pourra faire moins que de s’en porter un peu mieux. À l’image d’un individu qui se réveille (parce qu’il a assez longtemps rêvé), parfois maladroitement, un peu confus et pas toujours cohérent, laissons le temps au mouvement de prendre forme, de se tenir debout de manière solide.

Comme citoyen québécois et comme jeune cinéaste, je ferai tout en mon pouvoir pour nourrir cette force et m’assurer de l’alimenter, de la documenter, de la réfléchir et surtout de continuer à la vivre. Il est clair que nous sommes à l’aube de quelque chose d’important et que les changements désirés ne peuvent s’effectuer à court terme. Il sera alors important de créer des traces actives, des documents et des œuvres libres qui relateront toute l’énergie et l’ardeur déployées aujourd’hui. Assurons-nous de laisser un legs à la hauteur de notre vision qui transcendera la révolte et amènera la révolution à agir dans le temps.

Notre génération refuse d’être sacrifiée pour la maintenance d’un monde qui se meurt et d’un ordre sans gouvernance fiable.  Mais ne soyons pas seulement les déclencheurs, travaillons aussi à faire que l’horizon reste ouvert pour nos enfants et  petits enfants qui sauront y trouver l’espace nécessaire pour créer un futur viable. Ce n’est peut-être pas nous qui changerons le monde, mais nous aurons au moins le mérite de leur laisser l’élan vers un monde d’amour et de possibilités inespérées.

Samuel Matteau, citoyen et cinéaste. 
(crédit photo : Samuel Matteau, 22 avril 2012)

samedi, juin 04, 2011

Contestation


Motivée par le geste de Brigette Marcelle au Sénat pendant le discours du trône, j'ai décidé de fabriquer des poupées vaudou à l'effigie de Jean Charest et de Stephen Harper. C'est très sérieux.

Je vais les vendre à une pris très raisonnable bien entendu!

jeudi, avril 21, 2011

« LA CITÉ DU FATICANT »

Entendre un propos construit, réfléchi qui s'élève contre le populisme crasse qui nous intoxique est un moment à marquer d'une pierre blanche. Je suis donc très fière d'avoir la permission de publier cette lettre ouverte à Jean Tremblay. C'EST À LIRE!!!!!!


Est-ce que Saguenay est une ville plus catholique que les autres? Il est permis d’en douter, puisque que la moitié des églises de la municipalité sont désaffectées. Mais depuis que Jean Tremblay en est le maire, on peut dire que Saguenay est devenue la « Cité du Faticant ». Le maire Tremblay n’est pas un cas banal. Pour qualifier son personnage, il faut recourir à un nouveau concept : le dogme de l’infaillibilité municipale. Il ne serait pas surprenant que les membres du Conseil municipal – « Conseil médiéval » conviendrait peut-être ici d’avantage – finissent par canoniser Jean Tremblay de son vivant. Ce serait l’occasion de transformer l’Hôtel de Ville de Saguenay en Oratoire. Les pèlerins viendraient de partout afin d’admirer le Souverain Pontifiant en personne, Jean Tremblay, le pape de la rue Racine. Ce serait sûrement bon pour l’économie de la ville. De temps à autre, le Conseil Médiéval se réunirait en grand « concave » dans la Cité du Faticant. Et puis, avec un peu de chance, nous aurions peut-être même droit à un nouveau concile : Faticant 2. Imaginez : la ville «la mieux gérée du Québec», la «cité modèle» , la ville sainte de Jean Tremblay! Mais trêve de plaisanteries.

C’est sans surprise que j’ai appris la décision du maire Tremblay d’interjeter appel du jugement du Tribunal des droits de la personne lui ordonnant de cesser de réciter la prière publique avant les séances du Conseil municipal et de retirer les objets de culte de la salle du Conseil. Bien que partageant moi-même la foi catholique, la prétendue croisade de Jean Tremblay en faveur de la prière ne me plaît pas. Je m’explique.

Je souligne d’abord que nous avons la chance de vivre dans un pays où la liberté de conscience et de religion est reconnue comme un droit fondamental pour tout individu. Ceci signifie que chacun possède le droit de choisir sa religion et ses croyances selon ses propres convictions. Nous avons aussi la chance de vivre dans un pays démocratique. Mais la démocratie ne donne pas le droit à la majorité d’imposer sa religion au reste de la société – ou à qui que ce soit, d’ailleurs – puisque ceci violerait le droit à la liberté de conscience, qui constitue un droit individuel fondamental. Les droits individuels fixent donc des limites à ce que peut faire la majorité dans une démocratie. La démocratie n’est pas synonyme de dictature de la majorité. Ainsi, en tant que citoyen, Jean Tremblay a le droit suspendre des crucifix sur tous les murs de sa maison, et d’y installer des statues du Sacré-Coeur dans toutes les pièces; il peut réciter le chapelet dix fois par jour, s’il le juge à propos. Toutefois, l’Hôtel de Ville de Saguenay n’est pas la maison de Jean Tremblay, ni celle des catholiques. L’Hôtel de Ville est la maison de tous les citoyens de Saguenay, les catholiques comme les autres. L’Hôtel de Ville doit donc être un milieu neutre du point de vue religieux. Dans le cadre de ses fonctions de maire de Saguenay, Jean Tremblay a le devoir d’adopter une attitude de stricte neutralité religieuse : il ne doit favoriser aucune religion – y compris la sienne – aux dépends des autres croyances. Cette neutralité n’est pas antireligieuse; bien au contraire, elle résulte du profond respect qui est dû à la liberté religieuse de tous les citoyens.

Je soutiens ensuite que la position du maire Tremblay ne s'inspire pas de l’Évangile de Jésus Christ. Je sais que cette affirmation peut paraître étonnante. Mais Jésus nous a laissé la Règle d’or : « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pareillement pour eux » (Lc 6, 31). Autrement dit, traite les autres comme tu voudrais être traité et ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse. On peut tirer de la Règle d’or cette conclusion : « n’impose pas ta religion aux autres puisque tu ne voudrais pas que les autres t’imposent leur religion ». Jésus a dit aussi : « Et quand vous priez, n’imitez pas les hypocrites : ils aiment, pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu’on les voie. Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret; et ton Père, qui est dans le secret, te le rendra » (Mt 6, 5-6).

Je termine sur cette pensée de Blaise Pascal, qui constatait que « Les hommes ne font jamais le mal si complètement et joyeusement que lorsqu’ils le font par conviction religieuse ». Toute l’histoire de l’humanité montre que les querelles religieuses ont été – et sont encore de nos jours – à l’origine de tragédies innombrables : guerres, massacres, persécutions, injustices et souffrances de toutes sortes. Ne dit-on pas qu’il faut tirer des leçons de l’histoire? Or, l’une de ces leçons, c’est que la politique et la religion forment un bien mauvais ménage. Que chaque individu adopte donc les croyances religieuses qui lui paraissent appropriées, et qu’on laisse l’État – qui est le bien de tous – neutre du point de vue religieux. C’est encore la meilleure façon d’éviter les disputes et de respecter les croyances de tous.

Jean-François Tremblay, M.A.

Alma

jeudi, avril 07, 2011

Un trou de balle dans la tête et le vent l'emportera

« L'homme de théâtre Wajdi Mouawad a invité Bertrand Cantat à jouer dans une de ses pièces qui sera présentée au Québec en 2012. Le gouvernement conservateur a annoncé que s'il est réélu, Bertrand Cantat n'obtiendrait pas le droit d'entrer au pays "

Appelée à commenter la nouvelle la trèèèèèèèèès brillante Josée Verner toujours aussi éloquente s'est exprimée ainsi : "on avait besoin de ça comme un trou de balle dans la tête" Dieu qu'elle s'exprime bien cette dame, pas étonnant qu'elle soit ministre du Gouvernement conservateur.

Bon j'abandonne pour un instant mon ton lourdement sarcastique pour donner libre cours à ma colère et à mon écœurement.

QUELLE HYPOCRISIE!!!

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement conservateur a coupé les fonds à une foule de programmes sociaux et communautaires qui venaient en aide aux femmes en situation de difficulté. Ils se sont érigés en espèce de gardien d'une morale rigide dispensant les deniers là et seulement là ou leur sacro-sainte morale était respectée.
M. Harper, vous n'avez peut-être jamais tapé sur la gueule d'une femme, mais vos actions ont directement empêché bien des femmes violentées de trouver refuge dans un endroit sécuritaire puisque vous aviez coupé les fonds à l'organisme communautaire qui le dirigeait. Vous n'avez de vos blanches mains causé la mort de personne, mais les rangs des exclus et des déshérités de la société se sont gonflés de façon immonde sous votre régime. Et je ne parle même pas des femmes des pays africains que vous abandonnez maintenant à leur sort, parce que votre morale vous interdit de financer des programmes de contraception et d'avortement.

Et vous, vous n'irez JAMAIS en prison pour payer vos crimes.

Alors, arrêtez de démoniser Bertrand Cantat. Je suis la dernière personne au monde à excuser les hommes violents. J'ai pleuré longtemps la mort de Marie Trintignant, mais aussi celles des autres inconnues dont on parle moins. Si le Canada laisse entrer les dirigeants de certains pays où l'on pratique couramment la torture, si le Canada fait affaire avec la Chine et ses violations constantes des droits de la personne, comment peut-il se poser en grand officier de la moralité.

Et honte à toi Gille Duceppe qui fait la pute avec les autres.

Bertrand Cantat a commis un geste horrible, il est allé en prison, il a purgé sa peine, il est sorti de prison.

Je ne souhaite pas que l'on fasse de lui un symbole dans un sens ou dans l'autre. Et c'est qui est en train d'arriver avec ce cirque médiatique. Quand la présidente du conseil du statut de la femme déclare que la présence de Bertrand Cantat sur la scène au Québec banaliserait la violence faite aux femmes, on comprend devant une déclaration aussi convenue qu'elle n'a pas le choix de dire ça.

La majorité des gens que je connais sont contre la peine de mort, mais ne réalisent pas toujours que cela implique qu'une fois que les gens ont purgé leur peine, ils ont le droit de reprendre leur vie.

Si Bertrand Cantat était un travailleur humanitaire, est-ce qu'on lui refuserait le droit de venir travailler au Canada? En tout cas, personne ne pourrait se faire de capital politique sur son dos c'est certain.

Ceux que sa présence dérange n'auront qu'à exercer leur libre arbitre et ne pas assister à la pièce de Wajdi Mouawad. ça s'appelle une démocratie. Mais des fois j'ai l'impression qu'on est en train d'oublier ce que ça veut dire.

mercredi, février 23, 2011

souvenir

L'autre jour avec mon fiancé, nous nous sommes faits voyeurs et avons entrepris sans pudeur la visite d'alcôves noyées d'ombre. Blottie dans ces cabinets intimes comme autant de peep shows, je me suis repue d'images de corps plus ou moins nus, de chansons sirupeuses, d'orgasmes au ralenti et de baisers sans fin. Des baisers, tant et tant de baisers.

Chassez tout de suite de vos esprits tordus ces idées lubriques : nous ne fréquentions pas quelque échoppe au néon rouge, nous étions au Musée national des beaux-arts du Québec.

Avec l'exposition Emporte-moi/Sweep-me off my feet, Nathalie de Blois témoigne à nouveau de sa grande sensibilité et de la maîtrise de son métier. La conservatrice d'art actuel du MNBAQ qui nous en avait jeté plein la vue l'an dernier avec C'est arrivé près de chez vous joue cette fois sur un autre registre. En collaboration avec Frank Lamy, chargé des expositions temporaires du MAC/VAL, de Blois propose une composition aérée et très nuancée, un corpus d'oeuvres porteuses d'émotivité et énoncées dans un langage universel. Les accents de la passion n'y manquent pas, et les émotions fortes surgissent parfois là où nous n'avions senti qu'un sourire tirer la commissure de nos lèvres.

Toute la sensibilité touchante de cette exposition se résume aux dernières phrases du texte de Nathalie de Blois qu'on retrouve dans le beau catalogue en forme de calepin Moleskine :« L'abandon demeure le plus implacable et le plus tendre des maîtres. Et il ne sera jamais plus déroutante musique que celle d'un coeur qui se brise.»

Les pièces choisies par les commissaires utilisent un langage simple et direct : beaucoup de vidéos et de photos qui mettent en scène des humains qui nous ressemblent et posent souvent les gestes du quotidien. Nul besoin de grand symbolisme, comme si l'amour et son cortège de contradictions étaient déjà suffisamment compliqués. Le sujet rend-il plus humain ou plus humble ? Peut-être...

Sans peur du kétaine et à l'abri du cynisme, Emporte-moi ose et s'expose, nous invite à reposer notre âme et à laisser cours à toutes les histoires d'amour qui ont béni ou blessé nos vies. Le questionnement qui s'en dégage est intimiste et, peut-être aussi, nombriliste. La question Qui suis-je MOI avec ou sans toi ? est au coeur de la recherche.

Une chose est certaine, la grande réussite de cette exposition tient à la seule nécessité pour le spectateur de se laisser aller à l'émotion. Dans la lumière blanche d'une grande salle, ma gorge s'est nouée devant la mort filmée d'inséparables. Je me suis sentie un peu gênée et me suis assurée que personne ne m'avait vue étouffer un sanglot. On se sent toujours un peu bête quand on pleure au cinéma.

Plus loin, dans une des alcôves plongées dans le noir, une vidéo met en scène des hommes assis dans un bar un peu minable. Le plus jeune se lève et entonne Crying de Roy Orbison. Sa voix est très pure et juste. à leur tour, les autres hommes se joignent à son chant, le transformant en quelque chose de lyrique, à la limite du ridicule. Mais quand, à la toute fin, la caméra se pose sur le visage du plus jeune inondé de larmes, l'émotion violente et soudaine nous emporte. La douleur de l'abandon.

Ailleurs, sur l'écran dans un coin, en noir et blanc, une femme observe attentivement son compagnon immergé dans l'eau de sa baignoire et, dès qu'il le faut, lui insuffle de l'air pour éviter qu'il ne se noie.

« Je ne respire pas sans toi, JE MEURS SANS TOI Ton souffle est ma voix... Ta sueur, mon parfum. Je broderai « je t'aime » mille fois sur un ruban étroit...
And If I don't meet you no more in this world, I'll meet you in the next one, And don't be late, don't be late .»

Voilà les murmures et les images qui ont laissé leur étincelle en moi au long de cette très, très belle exposition.

mardi, septembre 14, 2010

Big Sista, de retour à la radio

Aujourd'hui, première émission de la saison de l'AÉROSPATIALE, l'émission 100% arts visuels de CKRL 89,1 à Québec.

L'émission est maintenant d'une durée d'une heure de 17:30 à 18:30 et est animée par Julie Gagné.
J'y apporte ma modeste contribution une fois par mois sous forme de chronique en plus de co-animer à l'occasion!

C'est mon ami d'Orion qui tient la chronique art audio... ça promet

vendredi, août 20, 2010

Le Bling Bling des Antilles

Si Haïti a longtemps été connue comme la Perle des Antilles, Wycleff Jean en est maintenant le cabochon bling bling pur toc!

Je reproduis ici le texte d'Alfred Valentin au sujet de la candidature de Wycleff Jean aux élections Haïtiennes.

La candidature de ce pantin mégalomane serait hilarante si ce n'était si pathétique, on pourrait en rire si les médias n'étaient pas des complices sordides de cette parodie de politique.

Haïti pauv' pays!


LA CANDIDATURE DE WYCLEF JEAN : J’ACCUSE LES INTELLECTUELS HAITIENS
Par Alfred Valentin
Comme la majorité de nos compatriotes, je suis attentivement l’affaire de la candidature de Wyclef Jean. Le 5 août 2010 dernier, j’avais également suivi l’émission spéciale que le Larry King Show avait consacré à Haïti en général et à la candidature de Wyclef Jean, en particulier. Quelques réactions sur cette comédie pour lesquelles j’accuse directement les intellectuels haïtiens.

Pourquoi, le 5 août dernier, Wyclef Jean a-t-il préféré annoncer officiellement sa candidature sur une chaîne de télévision étrangère au lieu de le faire sur un média haïtien? La réponse est simple: l’individu est complexé. Il sous-estime ce peuple même qu’il pretend aimer et pour qui il veut être le " Moïse des temps modernes ". Il aurait dû le faire dans n’importe quel média national - (Radio Métropole, Signal FM, Télé Nationale, Telemax (sa prope chaîne), etc. -, puis il pourrait accorder une entrevue à n’importe quel média étranger, dont CNN, Radio Canada, Le Droit, France 2 et d’autres.

En fait, quelle langue Wyclef Jean parle-t-il ? Il ne parle ni le français, ni le créole, nos deux langues officielles. Je m’imagine une conférence de presse conjointe entre Nicolas Sarkozy et son homologue haïtien. Comme on va nous tourner en ridicule, comme on l’avait fait l’année dernière à la suite de l’entrevue que son compère Shaba de Dyakout Mizik avait accordée à RFI. Le pire, c’est que, Wyclef ne parle pas vraiment bien l’anglais. Bien sûr, il parle la langue de la rue puisqu’il a grandi dans le pays, mais il en ignore les règles les plus élémentaires. J’en veux pour preuve les deux phrases « I don't hear nothing » et le « Young youth of Haiti » qu’il a données à Wolf Blitzer au cours de l’interview de jeudi soir dernier. En fait, ce n’est pas grave, car, selon ses dires, nous devons tous parler l’anglais en Haïti, surtout que, continue-t-il, « ceux qui parlent le français n’ont rien fait pour le pays pendant plus de 200 ans». Cette déclaration a été une bonne paire de gifle au visage des intellectuels. Qui pis est, pas un seul d’entre eux n’a osé donner une réplique au chanteur de hip hop. Qui ne dit mot, consent. De toute façon, je m’imagine déjà la fin totale des choses culturelles dans le pays. D’ailleurs, Wyclef ne connaît rien de rien de la culture haïtienne, rien de notre musique, de notre littérature, de notre peinture. Il ne connaît même pas notre Histoire, à part les noms de Toussaint, de Dessalines et de Christophe qu’il connaît, sans pouvoir parler même superficiellement de la politique d’un seul de ces anciens héros.

Wyclef a tout d’un narcissique et d’un mégalomane. Tout se tourne autour de lui. Monsieur aime son nom. Il l’a cité au moins dix fois en moins de trente minutes, sans compter les « I » (moi). C'est ce qu'on appelle " culte de la personnalité ". Imaginez-vous ce type devenir président du pays ? D’ailleurs, il pense que tout le monde a peur de lui. Au cours d’une entrevue à l’émission floridienne « Bonjour Haïti » le 4 août dernier, il a demandé aux autres candidats de ne ni « trembler » ni de « paniquer » parce que « Wyclef est candidat… » Donc, il est sûr de lui, sûr de son messianisme. Ensuite, il ne cesse de rappeler au président René Preval qu'il avait voté pour lui lors des dernières élections présidentielles. Cela signifie que M. Préval doit lui retourner l’ascenseur.
Dans cette affaire de Wyclef, je crois que la presse, si elle n’est pas corrompue et ne reçoit pas de pourboires du chanteur, doit jouer son rôle de façon sérieuse. Car en fait, nous ne connaissons pas vraiment Wyclef. On le voit à la télé, on l’applaudit, et c’est tout ! Il est du devoir de la presse de former et d’informer le public ! Qui connaît la vie de Wyclef Jean avant sa célébrité avec le groupe « Fugees » ? A part du musicien, qui connaît d’autres aspects de la formation de Wyclef ? Qui connaît ses idéologies ? Il est arrivé aux Etats-Unis à l’âge de 9 ans. Ce serait bien qu’il dise de quel " high school " (Lycée) a-t-il reçu son diplôme de fin d’études secondaires entre 1990 et 1992 (car il est né en octobre 1972)! Puisqu’il a grandi dans une ville où le taux d’abandon scolaire est très élevé, il est bien de savoir si, au moins, Wyclef a bouclé ses études secondaires !

Ensuite, Wyclef a souvent tendance à exagérer les faits. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas demeurer « pendant cinq ans consécutifs dans le pays » à cause de ses obligations en tant qu’ambassadeur de bonne volonté. Cela ne tient pas. Préval avait nommé Wyclef à ce poste (ce qui était une grave erreur) en avril 2007, donc trois ans de cela. Il a également affirmé avoir fréquenté Berkeley. Etait-ce dans le cadre d’un programme régulier pouvant se déboucher sur une licence (BA ou BS)? Ou bien, fréquentait-il cette institution dans le cadre d’un programme spécial? Certaines universités n’ont aucun problème à accepter qu’une superstar suive des cours à titre d’auditeur ou de participer à un programme spécial pouvant déboucher sur un certificat de participation. Certaines universités pourraient même offrir une chaire d’enseignant à une superstar de la trempe de Wyclef, s’il en avait les compétences, pour dispenser des cours de musique hip hop.

L’idée, ce n’est pas d’agir avec méchanceté avec « L’Honorable Ambassadeur », mais tout ce qu’on réclame de lui c’est de prouver qu’il a le minimum pour diriger une nation aussi importante que la nôtre. On ne s’adresse pas à la vedette Wyclef qui va se présenter sur une scène musicale. L’on se trouve plutôt en présence d’un éventuel chef d’Etat, ce qui n’est pas une plaisanterie. Il veut faire croire que nous questionnons ses capacités parce qu’il « parle le créole comme nous, et que l’ancien président Bill Clinton ne l’aurait jamais fait ». En tenant ce genre de langage codé, il n’entend qu’à simplement diviser davantage la société haïtienne. Avait-on questionné les capacités intellectuelles de Jean-Bertrand Aristide, qui parle le créole (le français et l’anglais) beaucoup mieux que lui? Les journalistes ont donc pour devoir de le questionner sur des choses sérieuses, telle la gestion de Yele Haiti. Si Sean Penn a le courage de le faire, ils ont pour devoir et obligation de le faire également, cela de façon plus approfondie, car le rôle de la presse est de former et d’informer le peuple en toute objectivité. Autre point : c’est bien que Wyclef Jean n’a jamais renoncé à sa nationalité. Est-ce par pur patriotisme ou bien aurait-il quelque autre empêchement ?

Ensuite, Wyclef a parlé des études de Jean-Claude Duvalier, comparées aux siennes. Il doit comprendre que, qu’il le veuille ou pas, Jean-Claude Duvalier, en tant que fils de président, a grandi dans les couloirs du pouvoir. Alors, gouverner n’était pas difficile pour Baby Doc, car il avait en sa disposition toute la machine de répression de son père dont il ne faisait que continuer à la lettre les œuvres criminelles,avec l’aide d’une « régence » composée de sa mère, de Luckner Cambronne, de Jacques Gracia, de Zacharie Delva, etc. En fait, Wyclef doit constater et analyser les résultats négatifs de la présidence de Duvalier fils.

On dit que Wyclef Jean n’aura pas besoin de l’argent du pays car il en a assez. Cet argument est faible pour plusieurs raisons. Une première : l’homme est un éternel insatisfait. Deux : Dans un gouvernement, il n’y a pas que le président à détourner les fonds. Tous les ministres de Wyclef et ses collaborateurs seront-ils tous des millionnaires comme lui ? Nous savons déjà clairement que les amis de Wyclef qui mènent une campagne active pour lui aux États-Unis (les King Kino, les Jensen Desrosiers…) sont tous de potentiels ministres ou grands commis de l’Etat. Ces gars sont-ils millionnaires ? Signalons que l’ancien président Aristide avait au moins la décence de ne pas placer King Kino à aucun ministère, à cause du niveau d’étude à peine primaire de ce chanteur.

Ensuite, c’est insensé de vouloir comparer la candidature de Wyclef Jean avec Ronald Reagan et Arnold Schwarzenegger. Ronald Reagan a fait ses études universitaires à Eureka College, dans l’Etat d’Illinois. Il y a obtenu un diplôme en Sciences Economiques et en Sociologie. Il était gouverneur de la Californie. Arnold Schwarzenegger est diplômé de l’Université de Wisconsin. En plus, il est un homme d’affaire réussi et fait partie de la famille politique la plus connu des Etats-Unis : il est le mari de Maria Shriver, une journaliste, fille de Sargent Shriver, un ancien diplomate et d’Eunice Kennedy, sœur du président John F. Kennedy.

Quelques simples questions au candidat « drafted » par les étudiants d’université :
---A quel niveau Wyclef peut-il parler d’une réforme scolaire et universitaire en Haïti ?
---A quel niveau Wyclef peut-il comprendre le fonctionnement des trois branches de pouvoir ?
--- A quel niveau Wyclef peut-il parler de plafond monétaire ?
--- A quel niveau Wyclef peut-il parler de la mémoire d’un Anténor Firmin, d’un Jean Price Mars, d’un Hannibal Price, d’un Louis Joseph Janvier ?
--- A quel niveau Wyclef peut-il parler de la musique haïtienne ?
--- A quel niveau Wyclef peut-il résoudre un conflit entre notre religion traditionnelle et les confessions catholique et protestantes ?

En tout cas, dans cette affaire de Wyclef Jean, nous n’avons qu’à remercier l’élite intellectuelle du pays. « Vous autres intellectuels, vous représentez tout le malheur du pays », comme l’avait si bien dit Pyram dans la pièce " Pèlin Tèt " de Frankétienne. Pourquoi ce même Franketienne et les autres intellectuels et hommes de plume du pays ne parlent-ils pas ouvertement pour faire voir le danger que représente ce Wyclef Jean pour Haïti et pour notre culture? Ils ne le feront pas car ils sont relativement bien lotis. Leurs enfants fréquentent les meilleures universités étrangères. Tremblement de terre ou pas, ils sont bien nourris et ne dorment pas sous des tentes. Ceux qui vivent à l’étranger mènent un style de vie princier, recevant assez souvent des récompenses littéraires qui leur rendent très connus internationalement. Donc, ils feront silence, ne voulant déranger personne. D’ailleurs, la misère du peuple inspire les Dany Laferrière, René Depestre, Frankétienne à écrire des romans pour lesquels ils gagnent beaucoup d’argent. Une comédie comme celle de Wyclef peut inspirer bien de romans et de pièces de théâtres ! Je n’ai rien contre ces hommes. Tout ce qu’on leur demande tout simplement est de prendre une position ouverte sur cette affaire. Ne dites pas que vous défendez le peuple avec votre plume. Cette affaire de Wyclef est une honte pour la nation haïtienne, un danger pour la francophonie et la créolophonie. Wyclef est une victoire sûre pour la cacophonie culturelle. Oui, messieurs les intellecteuls, vous devez faire des déclarations de principe. Vous devez guider le peuple. Vous devez guider la jeunesse du pays. C’est votre devoir ! C’est une honte d’entendre Wyclef Jean déclarer qu’il a été « draft » (sélectionné) par la jeunesse et qu’il a l’appui de la jeunesse estudiandine. C’est une honte !

Je m’attends à voir de ces intellectuels sans vergogne qui accepteront des positions dans une éventuelle administration Wyclef. Ils diront évidemment avoir répondu à l’appel du pays, car ces intellectuels, opportunistes véreux, se diront toujours « être en réserve de la République », selon l’expression de Leslie Manigat. Cela ne nous étonnera pas surtout que, en avril 1971, à la mort de Papa Doc, donc, à l’arrivée au pouvoir de Baby Doc, Hubert de Ronceray, brillant intellectuel, avait écrit un article intitulé : « Un géant s’en va, un génie le remplace ! » - le géant étant François Duvalier, le génie, Jean-Claude Duvalier. Nous n’oublierons pas non plus les bassesses et les acrobaties d’intellectuels tels que René Piquion, Gérard de Catalogne et d’autres.

C’est une honte pour les intellectuels du pays de voir des primaires de la trempe de Wyclef Jean, de King Kino et d’autres encore voulant diriger le pays. C’est une honte pour entendre qu’un Gracia Delva voulant devenir député de Marchand-Dessalines, une ville qui compte tant de gens bien formés ! Et je parie que ce sont ces genres de citoyens sans éducation qui dirigeront le pays pendant longtemps encore. Car ce sont eux qui se présentent toujours à la télévision en moments de crise. Après le séisme, avait-on vu Franketienne, Leslie Manigat, Gérard Gourgue, Rosny Desroches, René Depestre et les autres intellectuels dans les rues pour aider la population ? Dany Laferrière se trouvait en Haïti ce 12 janvier. L’avait-on vu dans les rues pour voler au secours des victimes ? Au contraire, au début d’avril 2010, moins de trois mois après le séisme, Dany Laferrière a écrit un livre sur la catastrophe intitulé « Tout bouge autour de moi ». Au moins, il aurait pû donner au moins un pourcentage aux victimes. On l’a vu plutôt se parader sur des plateaux de télévisions français racontant des histoires les unes les plus idiotes que les autres. Frankétienne, lui, se souciait de sa bibliothèque. Qui avait-on vu dans les rues ? Exactement, ces primaires qui veulent nous diriger ! « Ventre affamé n’ayant pas d’oreilles », la population aura tendance à choisir ces imbéciles qu’ils voient au lieu des gens préparés qu’ils ne voient qu’à la veille des élections. On doit admettre que nos intellectuels sont toujours distants du peuple. Combien de fois Leslie Manigat s’est-il rendu dans un lycée de la capitale ou de nos villes de province pour présenter des cours aux étudiants avides de connaissance ?

Ces intellectuels doivent comprendre que s’ils ne se montrent pas sensibles à la douleur, à la misère et aux besoins élémentaires du peuple de façon concrète, ils n’obtiendront jamais son vote. Ils doivent changer de stratégie, s’ils ne veulent être pas dirigés par des gens non qualifiés. C’est une honte que Mirlande Manigat, une dame bien formée, l’une des rares de la liste de la trentaine de candidats vraiment qualifiée pour diriger le pays, sera battue aux urnes par quelqu’un qui ne peut être ni son élève ni l’élève de son mari ni l’élève de sa fille. Toute la faute est à son mari, Leslie François Manigat. Si Wyclef Jean gagne ces élections, le professeur doit se résigner à donner sa bibliothèque à des jeunes, car il semble que ce politologue n’a jamais lu les livres qu'il a lui même écrits ni ceux auxquels il fait souvent référence. Où sont les Laennec Hurbon, Jean Métellus, Dany Laferrière, Gary Victor... Prenez vos plumes. Ces intellectuels ont même peur de citer le nom de Wyclef Jean. Si on doit le critiquer, on le fait de façon voilée. Il a bien raison de leur demander de ne pas « paniquer ». Quelle giffle !

C'est une honte de voir Sean Penn défendre le pays alors que nos intellectuels, eux, se taisent. Je vais mourir de rire lorsque les Manigat, Gourgue, Frankétienne et autres appeler Wyclef Jean « Monsieur le président de la République ». Je parie que plus d’un de ces flatteurs professionnels vont monter au créneau pour défendre ces intellectuels. On a besoin de ces derniers, mais ils doivent savoir qu’ils ont une responsabilité sacrée de guider la jeunesse du pays abandonnée aux mains de gens sans formation.

Que Wyclef Jean soit élu ou pas, il bouleversera la politique et la société haïtienne au moins pendant le prochain quart de siècle. Alors, je vous accuse, messieurs les intellectuels !

Alfred Valentin
Montréal, Canada
10 août 2010